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Les résultats de Michelin sont-ils des indicateurs du marché de l’automobile en France ?

Régulièrement le groupe Michelin dévoile ses résultats financiers sur le marché du pneumatique, très concurrencé par les importations asiatiques. Relation de cause à effet, les deux marchés du pneumatique et de l’automobile sont interdépendants et révèlent des tendances pour l’avenir. Décryptage

Le marché du pneumatique, entre première monte et remplacement

Il est facile de déceler que la part des ventes de « première monte », par rapport aux ventes totales de pneumatiques, est un gros indicateur de la santé du marché du véhicule neuf. A contrario les chiffres de vente des pneus de remplacement peuvent indiquer un parc automobile vieillissant.

Les volumes de pneus mis sur le marché en France sont globalement stables. En effet, ces volumes, dits « Sell In » ne varient qu’en fonction des lentes évolutions du parc circulant (nombre de véhicules en circulation) et du nombre de kilomètres parcourus par leurs propriétaires. Certains autres facteurs peuvent avoir un impact marginal comme l’électrification du parc. Les véhicules électriques usent, en effet, davantage leurs pneus que les véhicules thermiques.

Alors que l’année 2023 avait été marquée par un recul des ventes de pneumatiques de remplacement en Europe, le premier semestre 2024 a été l’occasion pour ce marché de se relancer. Le segment des voitures particulières et VUL est en hausse de 2 % avec plus de 108 millions d’unités écoulées.

Au premier semestre, les importations de pneus pour les voitures de tourisme et les camions légers (PCLT) ont également progressé de près de 10 % en Europe (Union européenne + Royaume-Uni). Elles passent de 67,2 millions d’unités sur les six premiers mois de l’année 2023, à 73,9 millions en 2024. La Chine écrase la concurrence grâce à ses tarifs plus abordables, et accapare 70,6 % du marché. Cela représente environ 52,2 millions de gommes. La Corée du Sud suit avec une part de marché de 13,7 %, devant le Japon à 3,3 %, la Thaïlande à 3 % et l’Inde à 1,7 %. La Russie, qui avait exporté plus de 11 millions de pneus en Europe en 2021, a été contrainte de cesser ses activités suite aux sanctions découlant de la guerre en Ukraine.

Pour Michelin, des résultats en baisse

« Les marchés sell-in Pneus ont progressé au cours de la période, amplifiés par les importations importantes de pneus asiatiques vers les marchés du Remplacement. En Première monte, les marchés déjà en baisse ont continué de se détériorer au troisième trimestre.

Les ventes des neuf premiers mois s’établissent à 20,2 milliards €, en baisse de 4,6 % à taux de change constants. La performance du Groupe sur les segments les plus générateurs de valeur se traduit par une amélioration du mix. »

Sur son marché européen des pneumatiques de tourisme et sur les 9 premiers mois de 2024 Michelin accuse une baisse de 6% de première monte par rapport à la même période de 2023. En revanche le remplacement augmente de 7%. Sur la totalité du marché mondial la première monte est à -3% et le remplacement à +3%.

Pour les poids lourds la première monte est en net retrait de -20% sur l’Europe et le remplacement de -2%.

Et le marché automobile français dans tout ça ?

Selon Statista, les ventes de voitures particulières en France ont bien baissé sur les 14 dernières années, passant de 2,27 millions d’unités en 2009 à 1,77 millions en 2023, soient près de 500 000 ventes en moins sur l’année. Même si le marché a connu un regain entre 2015 et 2019, atteignant 2,21 millions de véhicule en 2019, 2020 et son Covid ont vu une chute vertigineuse de -564 000 voitures en une seule année. Un effet cumulé du télétravail et de la promotion des mobilités douces.

Mais cette baisse n’est pas la même selon les marques : On dit souvent que nul n’est prophète en son pays et justement les marques françaises marquent le pas.

Par exemple les ventes du leader Renault ont été divisées par deux sur la période : 505 503 ventes en 2009 et 277 914 en 2023 ! La progression de sa filiale Dacia (de 60k à 156k) ne suffit pas à combler le retard de ventes, et encore moins sur le plan financier.

Chez Peugeot ce n’est pas vraiment mieux : 377 658 ventes en 2009 et 241 512 quatorze ans plus tard, soient 36% de chute.

Citroën n’a vendu que 125 000 véhicules en 2023, cédant sa place de troisième constructeur français à Dacia…

Rapidement chez les autres constructeurs européens, les ventes de Volkswagen se tassent un peu pour côtoyer les ventes de Citroën, celles de BMW augmentent de 37% sur la période pour atteindre les 60k unités et Mercedes, après une embellie en 2019 est revenue aux mêmes chiffres que 2009 (51k). Fiat dégringole de 51% et Opel de 52%.

Le japonais Toyota est en constante progression depuis 2009 pour rivaliser avec les marques européennes. Sa Yaris fabriquée en France et son offre hybride ont bien contribué à l’augmentation de ses ventes, qui ont atteint près de 108 000 voitures particulières en 2023.

Sur un marché automobile accusant un repli à deux chiffres au mois d’août 2024 par rapport à la même période de 2023, les ventes de véhicules de marques asiatiques, et plus particulièrement chinoises, commencent à subir les effets d’une réglementation européenne plus stricte à leur égard. La récente décision de l’Union européenne d’imposer une surtaxe provisoire sur les voitures électriques fabriquées en Chine et, en France, l’introduction d’un éco-score pour l’attribution du bonus écologique fin 2023 ont amplifié l’impact sur les ventes des voitures chinoises.

Ce protectionnisme à l’égard des véhicules électriques chinois, aux prix plus que compétitifs (et très innovants) devrait provoquer un retour de bâton douloureux pour nos exportations vers l’Empire du Milieu. Les petits Jedi auront-ils assez de force pour contrer l’invasion du côté obscure ? Pas sûr…