Nous pouvons nous réjouir de la vague d’installation de méthaniseurs dans nos territoires. La combinaison transition énergétique, énergies renouvelables, décarbonation, valorisation des déchets… et des « boues » avec l’enjeu de souveraineté énergétique, semble, enfin, porter ses fruits. Ainsi le 31 janvier une première unité de production de biométhane a été inaugurée sur le site de stockage des déchets de Gaïa à Cusset.
Il faut des crises pour avancer et prendre des décisions
Pour les Chinois et les Japonais, le mot crise est constitué de deux idéogrammes Wei (danger) et Ji (opportunité). C’est le paradoxe d’une crise : c’est une situation difficile qui permet de saisir de nouvelles opportunités et de rebondir.
En français le mot crise vient du grec « Krisis » qui signifie « décision »…
Depuis la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (17 août 2015) qui prévoit de porter la part des énergies renouvelables à 32% de la consommation d’énergie en 2030, le gouvernement se dote de « programmation pluriannuelle de l’énergie » qui fixe des objectifs quantitatifs, pour chaque filière renouvelable, sur une période de 10 ans, et décrit les mesures qui permettront à la France de décarboner l’énergie afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050…
Maintenant que c’est dit, il faut faire… et sans trop vouloir paraphraser Julien Boelart et consorts, on mesure bien « le temps long de la politique ». La première « transition énergétique » consiste à trouver, chez nos élus, l’énergie de prendre ce sujet à bras le corps.
Un petit tour du côté de la méthanisation
Pour rappel la méthanisation est un processus permettant de profiter de la dégradation des matières organiques naturelles par des bactéries en absence d’air. Ce processus a pour nom la fermentation anaérobique. Ce procédé permet de dégager une source d’énergie renouvelable : le Biogaz
Nous avions déjà traité ce sujet dans un article précédent il y deux ans (lire l’article ) avec les vertus du procédé et la production corollaire d’engrais naturels.
A ne pas confondre avec la méthanation qui est un procédé industriel qui vise à créer une réaction chimique ou biologique en combinant de l’hydrogène avec du dioxyde de carbone ou du monoxyde de carbone. Le résultat obtenu est un gaz appelé méthane de synthèse. Généralement les spécialistes recommandent de coupler les différents process, avec également la pyrogazéïfication (procédé thermochimique à haute température de conversion des résidus et déchets solides en gaz injectable dans les réseaux gaziers existants).
Pour en revenir à l’installation de Cusset
Depuis 2011, le biogaz issu de la fermentation des déchets est valorisé par un moteur de cogénération qui produit de l’électricité et de la chaleur, laquelle permet de chauffer le bâtiment administratif du site. La nouveauté c’est l’installation d’une « Wagabox » de la société Waga Energy, basée à Eybens en banlieue de Grenoble.
« L’installation d’une unité WAGABOX® augmente la valorisation du potentiel énergétique des déchets. Elle permet en effet d’extraire le méthane contenu dans le biogaz pour produire du biométhane, dont les caractéristiques sont identiques à celles du gaz naturel. Ce gaz renouvelable est directement injecté dans le réseau de distribution de gaz de ville de GRDF pour couvrir les besoins des habitants et des entreprises en chauffage, cuisson ou eau chaude sanitaire au niveau de la Ville de Cusset. » Cette unité permet de valoriser 100 % du biogaz produit sur le site. Chaque année, 17 GWhs de biométhane seront ainsi injectés dans le réseau de gaz de ville et alimenteront l’équivalent de 1700 foyers.
De gros potentiels dans la région Auvergne-Rhône-Alpes
Le SRB d’Auvergne-Rhône-Alpes fait de la méthanisation la 3e source d’énergie renouvelable en région (après le bois et le PV) à horizon 2035 et identifie un potentiel de biomasse mobilisable de 12 millions de tonnes de matières brutes, à 90% d’origine agricole.
La métropole clermontoise prépare deux grandes cuves de méthanisation de 4000 m2 chacune pouvant produire 14 GWhs de biogaz par an, soit l’équivalent de la consommation en chauffage de 1 400 logements. Cela se passe à la station d’épuration des Trois-Rivières dans l’est clermontois. Mise en service prévue en juin 2024. (Lire l’article ).
La Haute-Loire abrite également des unités de méthanisation dans des exploitations agricoles comme près de Saint Paulien et de Mazeyrat d’Allier, mais aussi Agri Briva Métha à Saint-Laurent-Chabreuges près de Brioude.
Mais la méthanisation ne s’improvise pas et doit respecter un certain confinement afin de ne pas polluer les eaux des ruisseaux et rivières environnants. On se souvient l’année dernière de la forte condamnation contre la société Salers Biogaz, dans le Cantal, pour non-respect des normes de rétention. Cette mauvaise expérience ne doit pas refroidir le département du Cantal quant à prendre les bonnes « décisions » pour mieux gérer le traitement de ses déchets. Je n’ose pas utiliser l’expression « faire tache d’huile » pour qu’il s’inspire des autres départements d’Auvergne.